Le Logement Accompagné joue la carte du collectif pour renforcer sa visibilité. Entretien avec Manuel Domergue porte-parole du CAU.
« Il faut que nous soyons plus critiques et indépendants »
Entretien avec Manuel Domergue, Porte-parole du Collectif des Associations Unies (CAU)
Le Collectif des Associations Unies porte depuis près de 15 ans une approche collaborative des questions du logement. En quoi cette dynamique est-elle adaptée à l’époque ?
En mobilisant ensemble tous les acteurs associatifs de la chaîne du logement, nous voulons faire passer un message fort à ceux qui cherchent à opposer de manière factice hébergement, logement accompagné et logement social. Toutes les solutions représentées au sein du Collectif ont leur place dans le secteur et le logement accompagné que porte l’Unafo a d’ailleurs une place particulière puisqu’il montre que le logement est accessible à tous, y compris aux personnes qui ont eu des parcours très difficiles. C’est un des messages que nous essayons de porter auprès des pouvoirs publics, le fait qu’il ne faut pas présumer des capacités d’habiter de quelqu’un et que les gens ne sont pas condamnés à rester en hébergement d’urgence ou sous tutelle.
Diriez-vous que vous avez réussi à être entendus lors de ce quinquennat ?
Pour ce qui est du mal-logement au sens large, je vous renvoie au bilan du CAU et au rapport de la Fondation Abbé Pierre qui décrit point par point le bilan pour le moins décevant des cinq dernières années. Mais ce constat amer n’empêche pas de regarder les réussites, et nous pouvons notamment être fiers du travail de sensibilisation réalisé autour des pensions de famille, porté largement par l’Unafo et la Fondation Abbé Pierre. En invitant des responsables politiques, des médias, des candidats à l’élection présidentielle à venir visiter des pensions de famille, à découvrir les sites, à rencontrer les gens qui y sont logés, nous avons réussi à leur faire comprendre la pertinence de ce modèle.
Qu’est-ce qui explique que ça ait particulièrement fonctionné sur ce sujet-là ?
Il y a je pense à la fois une méconnaissance et une peur des personnes sans domicile fixe qui ne dit pas son nom chez une partie de la population et même des élus. Pour les pouvoirs publics, il est donc rassurant de voir que ces personnes en grande précarité et en grande fragilité ne sont pas laissées à elles-mêmes, que la stabilité d’un logement, combiné à un accompagnement professionnel, permet de les sortir de l’errance, de la méfiance et de la défiance. C’est ce qui explique qu’il y ait eu une adhésion trans-partisane autour de ce sujet : le gouvernement a poussé le développement des pensions de famille dans le Logement d’Abord, la Ville de Paris s’est saisie de la question et a soutenu de nombreux projets, plusieurs candidats ont également repris nos positions dans les dernières semaines…
Y-a-t-il d’autres sujets qui ont avancé récemment dans le débat public ?
La problématique des jeunes qui sortent de l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) a enfin réussi à émerger, en particulier grâce à la parole des premiers concernés. Ce sont des parcours difficiles, douloureux, et on se rend compte que beaucoup de ces jeunes qui sortent sans suivi se retrouvent à la rue. Nous nous mobilisons pour pousser des solutions comme les Foyers de Jeunes Travailleurs qui ne sont pas toujours bien identifiées par les pouvoirs publics et les collectivités mais qui pourtant permettent de sortir ces jeunes des solutions de court-terme que sont les centres d’hébergement d’urgence ou les hôtels. Les FJT sont des solutions de logement où ils peuvent se stabiliser, bénéficier d’un accompagnement et trouver une certaine entraide auprès d’autres jeunes. Peu à peu, on sent que les lignes bougent enfin sur ce sujet.
Là encore, vous avez misé sur la prise de parole commune pour être plus efficaces…
Parler d’une même voix aide forcément. Chaque fois que nous sommes désunis, les pouvoirs publics ont une tendance naturelle à accentuer ces divisions et à jouer un acteur contre l’autre. L’union permet aussi à des acteurs peut-être moins visibles comme peuvent l’être les gestionnaires du logement accompagné de se faire entendre. Mais je pense qu’il faut aller encore plus loin et que les gestionnaires n’hésitent pas à prendre la parole et à se faire plus critiques vis-à-vis des pouvoirs publics. Nous ne sommes pas des fonctionnaires soumis au devoir de réserve, nous sommes ancrés sur le terrain et nous avons une voix autonome importante à faire entendre. N’ayons pas peur d’être critiques et indépendants.