L’USH a choisi de se mobiliser à l’occasion des élections présidentielles et de porter haut et fort les attentes du secteur du logement social dans sa globalité. Entretien avec la présidente de l’Union, Emmanuelle Cosse pour Action habitat.
Il faut cultiver nos différences et notre complémentarité
Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat
Quel bilan tirez-vous du quinquennat d’Emmanuel Macron ?
C’est un quinquennat clairement raté sur la question du logement. A aucun moment le gouvernement n’a mis l’accès au logement ni la production de logement social au cœur de sa matrice. Au contraire, le choix a été fait dès 2017 de ponctionner dans les dépenses, en s’attaquant aux APL puis en mettant en place la RLS et enfin la hausse de la TVA à 10%. En à peine 6 mois, ils ont réussi à casser la dynamique qui s’était mise en place lors du quinquennat précédent. Ils ont fragilisé le modèle de financement, et même si des compensations ont été mises en place par la suite, cela s’est fait en demandant aux acteurs de s’endetter. Tout cela a eu un impact considérable.
Dans le même temps, le gouvernement a relancé la politique du Logement d’abord…
C’est là tout le paradoxe. Pendant que l’on s’attaquait aux APL, on défendait en parallèle un plan très ambitieux et très intéressant. D’un côté on promouvait l’importance du logement, notamment social et accompagné, dans les parcours de vie, et de l’autre on détricotait le modèle des bailleurs sociaux. Cela s’est ressenti dans la mise en œuvre du Logement d’Abord, qui a certes porté en partie ses fruits mais pas au niveau espéré. On a noté aussi un léger mieux en fin de quinquennat dans la prise en compte de ces questions, grâce au travail de la commission Rebsamen, mais c’est arrivé bien trop tard…
La crise sanitaire a-t-elle joué un rôle dans ce changement de ton ?
Sans doute que la crise a participé à la prise de conscience du gouvernement, avec la médiatisation de certaines formes de précarité, notamment chez les jeunes. Mais au niveau de l’USH, cela fait longtemps que l’on alerte sur l’urgence de la situation. La demande HLM a augmenté de 20% en 8 ans et surtout, nos locataires s’appauvrissent : les nouveaux entrants ont presque systématiquement des revenus plus faibles que leurs prédécesseurs. Quant aux effets de la crise sanitaire, c’est sur le long terme qu’on pourra les observer, notamment quand les plans d’aides s’arrêteront. Est-ce que les locataires au chômage reprendront le chemin de l’emploi ? Sans offre de logement abordable, difficile d’avoir une vraie politique de stabilisation et d’insertion.
Ces questions de stabilisation et d’insertion font partie des principaux sujets portés par le secteur du logement accompagné : vous militez activement pour une plus grande collaboration entre gestionnaires et bailleurs ?
C’est un point de vue sans doute très personnel, mais pour moi logement social et logement accompagné font partie du même secteur. Nous faisons les mêmes métiers mais avec des publics différents, nous sommes confrontés aux mêmes problèmes de refus de construire, à la même stigmatisation des publics accueillis : c’est pour cela qu’il faut travailler davantage ensemble et que l’on soit dans la même histoire. Il faut aussi à mon sens travailler davantage sur la relation entre bailleur et gestionnaire, qu’il y ait une plus grande professionnalisation des bailleurs du logement accompagné pour prendre en compte les spécificités liées à l’accompagnement des publics au sein des résidences sociales ou des pensions de famille. Le logement accompagné apporte des réponses que le logement social n’apporte pas : il y a une vraie complémentarité entre nos offres, et des différences qu’il s’agit de cultiver.
A l’occasion des élections présidentielles, l’USH a choisi d’interpeler les candidats et de leur soumettre un certain nombre de propositions où l’on retrouve plusieurs sujets portés par l’Unafo…
Tout à fait. Nous avons publié un document regroupant 90 propositions qui nous semblent essentielles, et nous les avons soumises à l’ensemble des candidats que nous allons ensuite auditionner avec la Fédération Française du Bâtiment et la Fondation Abbé Pierre. Parmi celles-ci, nous avons repris plusieurs propositions de l’Unafo, notamment celles liées à l’AGLS et à la production de résidences sociales. Ce document est la suite de la démarche « Utiles ensemble » qui s’est mise en place lors du premier confinement et qui a vu l’ensemble des acteurs du secteur, bailleurs, gestionnaires, associations, travailler ensemble pour répertorier tout ce qui pouvait être fait dans le cadre du plan de relance. Avec ces 90 propositions, nous voulons peser sur la campagne présidentielle.
Quel est le message que vous souhaitez faire passer ?
Nous voulons faire comprendre aux politiques qu’en faisant l’impasse sur la question du logement au sens large, et du logement social en particulier, ils se coupent de la capacité d’agir. Toutes les études soulignent à quel point la cherté du logement, son poids sur le pouvoir d’achat des ménages, est un frein énorme pour les gens. Agir sur le logement, c’est agir par ricochet sur l’emploi, l’insertion, la cohésion sociale, la sécurité, le développement durable…
En parlant de développement durable, quel regard portez-vous sur la Loi Climat et Résilience ? Ce qui est un enjeu majeur pour la société n’est-il en train de devenir une épée de Damoclès pour le secteur ?
Une fois de plus, tout est une question de moyens. Pour notre secteur, respecter les objectifs fixés par la loi est compliqué mais intéressant aussi. Nous sommes prêts à y aller, c’est difficile bien sûr, mais on veut le faire. Après, réhabiliter massivement le parc social et très social en 3 ans, c’est compliqué – pas seulement en termes de timing mais évidemment aussi de coûts. Il faut trouver les financements pour que cela soit viable, en sachant que l’on ne pourra pas répercuter les montants investis sur le loyer de nos locataires. Pour le parc le plus énergivore, les étiquettes G notamment, les travaux pour passer à une étiquette C sont considérables. Or, dans le plan de relance de 31 milliards annoncé par le gouvernement, seuls 500 millions ont été fléchés pour la réhabilitation du parc social. Cela dit beaucoup des priorités politiques qui sont mises en œuvre.